Organisation du travail : retour sur le premier Think Tank de la Fédération

NOUVEAUX MODES D’ORGANISATION ET TRAVAIL EN TEMPS CHOISI :
RETOUR SUR LE PREMIER THINK TANK DE LA FÉDÉRATION

Le 28 septembre dernier, nos adhérents se sont réunis pour échanger ensemble sur les nouveaux modes d’organisation, dont l’émergence post-covid bouscule notre rapport au travail.

Une réflexion passionnante partagée grâce aux expertises d’Hélène Raza (Consultante en droit social et ressources humaines), Rémi Demersseman (Consultant RSE), nourrie par les témoignages de nos adhérent·es Julia Mathavon (CAE Mine de Talents), Baptiste Lhopitault (Scop Repliq), Laëtitia Ruault Durand (Scop Silgoweb), et complété par les précieux retours d’expériences des Scop de l’Industrie avec Joël Bry (Aerem) et Vincent Montreuil (Créabois).

Il n’y a encore pas si longtemps, l’organisation du salariat reposait en grande partie sur la notion de temps de travail. L’arrivée forcée et/ou accélérée par la covid 19 du télétravail, ou encore du distanciel a imposé aux entreprises une mise en place parfois d’urgence, mais surtout, à plus long terme, une réflexion globale sur nos rapports à l’organisation du travail. La quête d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est devenue un critère déterminant d’engagement des collaborateur·rices au sein d’une entreprise, obligeant les services RH à dessiner de nouveaux modes opératoires. Impossible pourtant d’y parvenir sans tenir compte des contraintes à la fois de répartition du temps individuel, collectif, d’un rapport de subordination juridique traditionnel, mais aussi des enjeux d’amélioration et de performance des structures (économie, relations externes, productivité…). Intégrer au sein de son organisation des notions d’horizontalité, d’autonomie, mettre en place une politique salariale centrée sur une approche projet vs temps, autant de sujets abordés lors de cet échange, avec en leur cœur un point commun : l’importance capitale d’une résolution par le collectif.

À CHAQUE ENTREPRISE SON MODÈLE SPÉCIFIQUE D’ORGANISATION DU TRAVAIL

Chaque structure est unique. Chaque salarié·es, chaque adhérent·es, chaque dirigeant·es l’est aussi. Si par secteur, on observe une certaine récurrence dans les modèles mis en place, à chacun son process et ses particularismes. Tour à tour, les coopérateur·rices nous ont partagé les coulisses de leur modèle organisationnel, entre variables et similitudes.
Pour la CAE Mine de Talents, c’est avant tout une question de confiance. De un jour de télétravail à une politique d’autorépartition de son temps, la mise en place s’est faite progressivement pour Julia Mathavon, et la réflexion est en cours pour étendre cette pratique au reste des collaborateur·ices. Chez Silgoweb, l’équipe a opté pour un format mixte : trois jours de télétravail et deux jours en présentiel, et du 100% distanciel occasionnellement autorisé. Autonomie et responsabilisation sont les mêmes mots ! En ce qui concerne Créabois, la semaine de quatre jours est loin d’être un nouveau sujet puisqu’elle a été mise en place dès 1997 pour les équipes de production. « La crise de la Covid19 nous a surtout aidés à instaurer une contrepartie pour les métiers supports avec l’implémentation du télétravail. » Précise Vincent. Les Jokadays, c’est le principe imaginé par Baptiste Lhopitault et ses collaborateur·rices de la Scop Repliq : dix congés exceptionnels par an, pouvant être pris sans aucune justification pour pallier aux aléas de la vie. Par ailleurs, l’équipe expérimente les semaines de dix-huit heures payées 35 : « Cela nous permet de construire le cadre idéal entre liberté d’indépendance et sécurité d’un CDI. ». 

LE DIALOGUE SOCIAL : LA CLÉ POUR PASSER DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

Il ne suffit pas d’avoir la bonne idée, encore faut-il pouvoir et accepter de la tester et de l’éprouver. Pour la plupart de nos intervenant·es, les entretiens individuels et les temps réguliers d’échange collectif sont impératifs au maintien d’un équilibre sain et adapté à tous·tes. Dans la pratique, il a fallu pour ces entreprises, palier à un risque de déperditions d’information, sécuritaire, sanitaire, mais aussi sociale. Parler d’équilibre, c’est envisager qu’il soit différent pour chacun, et dans l’ensemble, comme partout, fragile. C’est aussi passer par un cadre de référence officiel commun, uniformiser le présentiel pour se retrouver, veiller au droit à la déconnexion malgré des plages de travail asynchrones.
Comme le rappelle Rémi Demersseman, le télétravail ne fonctionne pas pour tout le monde, et le sujet de l’inclusivité doit s’imposer dans la réflexion. Vincent Montreuil (Créabois), complète en expliquant qu’il laisse le choix à ses salarié·es dès leur arrivée, les options sont ouvertes, mais dans le cas de son équipe, force est de constater que le télétravail reste peu pratiqué « malgré tout, on aime se voir et on en a besoin ».
Joël Bry a d’abord été sceptique sur la capacité de la Scop industrielle AEREM de répondre par la positive à la demande des effectifs pour une mise en place de la semaine de quatre jours. Comment maintenir ses engagements industriels et sécuritaires sur un rythme historique à trente-huit heures et demie, tout en apportant des solutions aux salarié·es ? « Ce qui est intéressant dans notre cas, c’est que la problématique a été résolue par les collaborateur·rices eux-mêmes ». En équipe, chefs de service et représentants de service ont participé à des réunions de travail aboutissant in fine d’une liste de contraintes (travailleurs isolés, productivité, heures supplémentaires, services supports…), à la création d’une grille de critères de réussite, puis de propositions.

RSE ET ORGANISATION DU TRAVAIL INNOVANTE : PAS SI SIMPLE

« La RSE, c’est avant tout faire en sorte que notre activité économique ait un impact le plus positif possible sur l’humain dans l’organisation, à l’extérieur de l’organisation, et sur la planète. C’est un défi de performance globale, tenant compte des enjeux économiques, sociaux, sociétaux, et environnementaux. » Précise Rémi Demersseman. Du côté d’AEREM, RSE et nouveaux modes organisationnels coïncident parfaitement : « Non seulement ces mesures ont amélioré l’attractivité de notre marque employeur, mais on observe également un gain de 3% de productivité ! Écologiquement, nos équipes effectuent un trajet de moins par semaine en moyenne. Finalement, c’est bénéfique à tous les niveaux ! ».
Et pour ce qui est de la marque employeur, chez Créabois aussi l’impact est positif. Malgré un secteur qui rencontre des difficultés de recrutement, l’entreprise ne compte que très peu, voire pas de turn over. 
Néanmoins, le passage en semaine de quatre jours ou le télétravail ne sont pas une solution miracle, et comportent leurs lots de points de vigilance. Baptiste Lhopitault évoque les risques psychosociaux liés à l’accomplissement de nombreuses tâches, parfois complexes, en un temps restreint. Pour les éviter, la scop Repliq s’est appuyée sur une grille de l’IRNS et a réalisé un autodiagnostic visant la mise en place de mesures de prévention. La sensibilisation des équipes aux questions d’ergonomie du travail est également un sujet : « Qui peut affirmer avoir le bon bureau, le bon ordinateur, et l’ensemble des outils pour travailler trente ans en télétravail sans problème de santé ? » questionne Rémi Demersseman.
Enfin, du point de vue social, les scop et les scic ont une vraie avance en matière de RSE, c’est indéniable, et ça fait partie de leurs raisons d’être spontanée. Comment ces avancées viennent percuter les impératifs sociétaux et environnementaux ? Alors que le modèle économique dominant est limité à un indicateur de production et n’intègre pas la notion de « bien-être » ; la dissonance anxiogène entre une volonté de faire mieux et le sentiment de ne pas en avoir les moyens est insoluble. Rémi Demersseman est très clair sur ce point : il est primordial de se rappeler qu’on ne peut tout changer du jour au lendemain. Il faut savoir aborder les situations de manière globale et long-termiste, prioriser les bonnes actions, accepter l’immuable, et le faire avec « une bienveillance envers ce qui nous entoure, mais aussi envers soi. »

En conclusion, comme le mentionne Hélène Raza, « Il n’y a pas d’organisation du travail idéale et définitive, elle est en mouvement perpétuel, constamment challengée par des éléments externes ou internes, maîtrisés ou non, et fondée sur un principe de test et d’amélioration continue. ». Le rapport au travail doit également résonner avec le rapport au changement. Il s’agirait ici de ne pas vouloir aller trop vite sous peine qu’une partie des collaborateur·ices ne soient pas en mesure de suivre le rythme. « Accepter les moments de décalage entre notre utopie organisationnelle et ce qui se passe dans la réalité, ça fait aussi partie du défi. »

Vous souhaitez revoir notre webinaire ? Contactez-nous à l’adresse communication@made-in-scop.coop